Pour un nouveau contrat social entre les producteurs et les sociétés qu’ils nourrissent
Confronté à la proposition de la Commission, qui ne répond pas aux défis sociaux et environnementaux de notre temps, Urgenci, le réseau international de l’Agriculture soutenue par les citoyens, veut réaffirmer la position commune du mouvement de l’ASC, fondée sur la Déclaration européenne adoptée à Ostrava, en 2016.
L’Agriculture soutenue par les citoyen-ne-s (ASC) est définie par celles et ceux qui la pratiquent comme un partenariat local et solidaire entre producteurs et consommateurs. Fondée sur un nouveau partage des risques, elle est la préfiguration d’un nouveau contrat social entre les paysannes et les paysans, d’un côté, et les sociétés qu’ils nourrissent, de l’autre. Les groupes d’ASC rassemblent aujourd’hui plus d’un million d’Européennes et d’Européens autour de fermes en bio et en agroécologie, autour d’une alimentation saine, diversifiée et de qualité, et sur des sols régénérés. La contribution de ce mouvement à la naissance de nouveaux modèles agricoles susceptibles de relever les défis alimentaires mondiaux doit être reconnue officiellement.
En effet, les gouvernements, l’agro-industrie et les marchés agricoles globalisés ne sont pas en mesure de nourrir sainement les populations : guerres contre le vivant, perte massive de biodiversité, accaparement des terres agricoles, utilisation de l’arme alimentaire, faible résilience des systèmes de production intensifs, explosion des pathologies liées à l’alimentation, relations commerciales inéquitables avec les pays du Sud…
L’heure est au contraire à la mise en place d’une Politique Agricole et Alimentaire Commune en Europe. Cette politique aura pour objectif d’atteindre une alimentation de qualité, pour toutes et tous. Cette alimentation doit être issue d’une agriculture respectueuse de la santé aussi bien humaine qu’animale et environnementale, d’une agriculture relocalisée pour des territoires vivants, avec des paysannes et des paysans en nombre, ayant un revenu décent et la fierté de faire leur métier. Notre alimentation doit venir demain d’une agriculture qui fait toute sa place aux citoyennes et aux citoyens qui désirent participer au modèle agricole et alimentaire. Ces derniers jouent en effet un rôle de plus en plus important à travers les expériences d’Agriculture soutenue par les citoyens
Les propositions suivantes visent à développer l’ASC à travers une Politique Agricole et Alimentaire Commune rénovée.
1/ Promouvoir la démocratie alimentaire
Associer les organisations de la société civile dans les instances de décision des politiques agricoles et alimentaires, à tous les échelons de la prise de décision ;
Accompagner la gestion par les régions européennes des aides du deuxième pilier par la mise en place de systèmes de gouvernance rénovés et obligatoires, incluant les organisations de la société civile et les organisations paysannes.
Appuyer la création, dans les territoires, de conseils citoyens de l’agriculture et de l’alimentation, qui auront vocation à devenir des laboratoires de développement de projets agricoles et alimentaires. Ces conseils seront des lieux d’information, de rencontre, de débat, de formation, de délocalisation de la décision en matière agricole et alimentaire, destinés aux citoyens, aux élus locaux, aux agriculteurs, transformateurs, distributeurs ;
2/ Soutenir une agriculture répondant aux demandes sociétales
Il faut d’urgence une mesure de soutien à l’animation des réseaux de partenariats solidaires en agroécologie. Ces partenariats (CSA, Amap, Gasap…) constituent des micro-systèmes alimentaires territorialisés, dont on peut s’inspirer pour une véritable politique agricole et alimentaire européenne. Ils ont fait la preuve de leur capacité à nourrir des familles tout en maintenant les fermes et l’emploi dans l’agriculture sur les territoires ;
Le peu d’aides publiques investies dans ces structures a été utilisé très efficacement à installer des nouveaux paysans et à amener ceux déjà installés à se rapprocher des demandes sociétales. L’implication bénévole et citoyenne permet d’élargir les publics touchés et les actions à réaliser ;
Il faut imaginer des mesures de soutien direct aux fermes en production diversifiée, engagées dans un partenariat local et solidaire (CSA, Amap…) avec les consommateurs, comme le conditionnement des aides à la pratique de la vente directe ou en circuit court.
3/ Développer une recherche agricole qui valorise l’engagement citoyen et les savoirs paysans
L’avènement d’une Politique agricole et alimentaire commune passe par un soutien aux démarches de l’Agriculture soutenue par les citoyens visant à développer des programmes de recherche participative impliquant paysans et citoyens-consommateurs.
Les paysans et citoyens-consommateurs impliqués en Agriculture soutenue par les citoyens attendent notamment bien plus de recherches qui valorisent les bonnes pratiques et les savoir-faire paysans et qui renoncent aux fausses promesses du tout-technologique. Il faut, par exemple, plus de recherches sur des sujets tels que l’auto-construction de machines et d’outils agricoles, l’auto-production de semences, les engrais verts, l’agronomie, le travail à plusieurs en agriculture, les changements de pratiques culinaires et alimentaires.
Conclusion
Les acteurs des partenariats locaux et solidaires en agroécologie n’ont pas attendu une PAC favorable pour inventer des alternatives durables. L’agriculture soutenue par les citoyens contribue depuis plus d’une décennie au maintien de l’emploi non-délocalisable en milieu rural, à la revitalisation et à la diversification du tissu agricole en milieu péri-urbain. Mais la réforme en cours représente une occasion à ne pas manquer pour aller plus loin, pour généraliser ces initiatives et pour jeter les fondements d’une politique agricole commune qui réponde aux attentes sociétales.