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Retour sur le séminaire « agriculture et alimentation » de l’Université européenne des mouvements sociaux, Toulouse, 23-27 août, 2017

par Johan Tyszler, Chargé de mission au Réseau AMAP IDF

Nous étions plus de 2000 participants lors de l’Université d’été européenne des mouvements sociaux, organisé à l’initiative du réseau des Attac Europe ! Des militants français, allemands, belges, espagnols issus de mouvements très variés ont investi l’Université Jean Jaurès de Toulouse à travers cinq jours d’échanges, de débats, de convergence des luttes et de formations.

Outre la bonne ambiance et un soleil chaud, Pierre Besse, maraîcher en AMAP installé dans le Gard au sud de Toulouse, et moi-même étions notamment venus pour participer au séminaire sur l’agriculture et l’alimentation. A quelques jours de l’ouverture des Etats généraux de l’alimentation fin août, ce rendez-vous s’était donné comme ambition de revenir sur les enjeux agricoles et alimentaires et de mettre en avant les alternatives, et de faire en somme le trait d’union entre l’action locale et l’organisation dite « globale » dans un contexte où l’Union européenne est traversée par de nombreux bouleversements politiques.

Organisé par Attac France, Attac Autriche, la Confédération Paysanne, Urgenci, Miramap et la Coordination européenne de la Via Campesina, ce séminaire s’est structuré autour de trois ateliers :
• L’autonomie des paysans et l’accès aux ressources : une vision du Sud jusqu’au Nord
• Pour de nouvelles politiques alimentaires et agricoles en Europe
• Les mouvements européens pour la souveraineté alimentaire : comment les renforcer ?

C’est dans une salle comble que le premier atelier du séminaire a été l’occasion de donner la parole à des représentants ouest-africains et européens, lesquels nous ont dressé un diagnostic, parfois accablé, des conditions de travail des paysans et de leur accès à la terre et aux semences. Le récit poignant de Massa Koné, responsable de l’alliance ouest-africaine contre l’accaparement des terres, a permis de mettre en exergue les comportements prédateurs d’entreprises multinationales et de fonds d’investissement, en lien avec les pouvoirs publics de nombreux pays au Nord comme au Sud, qui viennent expulser les paysans et les priver de leur principal outil de travail.
Face au contrôle des semences par une poignée d’acteurs corporatistes et la percée des – nouveaux – OGM, Guy Kastler, de Semences Paysannes et de la Confédération paysanne, a rappelé la nécessité de défendre un véritable droit aux semences garant de l’autonomie des paysans et permettant d’ériger un rempart juridique face à un système semencier contrôlé par un nombre toujours plus réduits d’acteurs économiques .

Le deuxième atelier a lui mis l’accent sur le contexte européen. Suite à une analyse de la crise de l’élevage dans l’UE par Aurélie Trouvé d’Attac, Guillaume Cros, représentant du Comité européen des régions, a présenté un rapport dudit comité sur la future PAC post-2020. Une autre PAC est souhaitable; elle est possible selon lui. Le rapport a d’ailleurs été adopté par une large majorité, toutes couleurs politiques confondues. De la même manière, la consultation publique sur la prochaine PAC lancée par la Commission européenne l’été 2017 a également montré qu’une majorité d’européens était résolument en faveur d’une nouvelle politique agricole et alimentaire européenne : « la bataille culturelle est gagnée, c’est maintenant la stratégie pour construire un rapport de force face aux lobbies qui est importante» . Michel David, de la Confédération paysanne, a lui rappelé le besoin d’une politique agricole ET alimentaire et l’importance de dessiner un cadre stratégique alimentaire au niveau européen*.

Lors de ce deuxième temps d’échange, les participants ont été invités à répondre à deux questions sous-jacentes des thématiques abordées : quelles sont les priorités agricoles et alimentaires à inscrire dans les objectifs des politiques ? Quels moyens d’actions et de marges de manœuvre pour mettre en place une nouvelle politique agricole et alimentaire ? L’intelligence collective a fait émerger moult idées : accès à la terre, loi contre la spéculation, s’opposer aux accords de libre-échange, réévaluer les budgets alimentaires, renforcer lien consommateurs-producteurs (commercialisations alternatives), l’alimentation et l’agriculture doivent être organisés par des services publics, mettre en place des conseils consultatifs ou conseils de l’alimentation, développer des Plan alimentaires territoriaux (PAT), … Ce n’est donc pas sans rappeler les propositions construites par nos mouvements et plus récemment par le Miramap sur la démocratie agricole et alimentaire !

A travers l’Atelier 3, Carla Weinzierl, d’Attac Autriche, s’est notamment attardée sur les conclusions du Forum international pour la souveraineté alimentaire ou « Forum de Nyéléni ». Cet espace de la société civile se veut fédérateur et tente de répondre à trois objectifs : approfondir notre compréhension mutuelle de la souveraineté alimentaire, renforcer le dialogue entre les secteurs et les groupes d’intérêts, et définir des stratégies communes et d’élaborer un programme d’action. Suite à ce cadrage supranational, Pierre Besse a remis l’accent sur les alternatives agricoles locales en repartant de son vécu en tant que maraicher diversifié en AMAP. Et Geneviève Savigny, paysanne dans les Alpes de Haute Provence, de rappeler l’importance de connecter et mailler les alternatives locales pour peser au niveau global à travers un cadre structurant tels que les principes de la souveraineté alimentaire et du Forum de Nyeleni pour s’organiser. Bref, la boucle est bouclée, il n’y a plus qu’à… !

 

* Lire à cet effet l’excellente initiative anglaise « A People’s Food Policy » qui propose une politique agricole et alimentaire alternative et un cadre stratégique partant des principes de la souveraineté alimentaire pour transformer les systèmes alimentaires : https://www.peoplesfoodpolicy.org/